Bonjour à tous,
Pour répondre à votre première question Philippe, il semble que, faisant une recherche ciblée sur le présent forum,
Google nous informe bien qu’il n’en a encore pas répertorié le mot
Strioscopie. Pour ma part, je connaissais en partie les images animées (GIFs) que vous donnez à voir. Elles sont en ligne sur un nombre conséquent de sites Webs depuis la fin du siècle dernier… Mais j’étais très loin d’imaginer que Foucault pouvait, une fois encore, revenir nous voir muni de son couteau, lui qui fut aidé, comme je l’évoquais dans un de nos messages personnels, par un certain Aristide Cavaillé-Coll (qui, comme Foucault, habitait rue de Vaugirard) pour lui fournir une soufflerie incroyablement stable afin de faire fonctionner une turbine sur l’axe de laquelle était monté un miroir. La raison de tout cela ? Déterminer, pour la première fois au monde, la vitesse de la lumière. L’expérience est maintes fois décrite sur le Web mais ce site-ci a ma préférence pour s’étendre sur l’expérience et la qualité de la soufflerie…
Bref, Foucault et son couteau repointe le bout de son nez pour, cette fois, nous aider à comprendre un vortex en retour. Pied de nez de l’Histoire qu’il me plaît de souligner.
Si votre article présente un premier intérêt, c’est, pour commencer, celui de faire une synthèse de ce qui s’est écrit sur le sujet et qui, média internet oblige, permet de visualiser des choses que jamais le papier ne permettra. On peut s’esclaffer à voir une illustration d’un autre de vos articles,
, il reste que les animations
Flash de l’université de Nantes que vous évoquez dans un autre article sont forcément plus didactiques et parlantes que tous les longs discours.
Je trouve très juste votre critique d’Émile Leipp ; son livre «
Acoustique et musique » était LA référence du temps où j’étais à Eschau. C’est sans doute l’abondance du Web, malgré ces multiples erreurs, qui a permis de remettre les choses à leur place dans le grand public. C’est là que l’on se rend compte que les références doivent effectivement être remises en cause, même par des non professionnels. C’est aussi pour cela que je milite, plus que jamais, à l’idée de donner un accordoir à quelqu’un dont je sais qu’il sera apte à le tenir, autant pour lui rendre service pour le domaine courant, mais aussi (sinon surtout ?) parce que cette même personne est parfaitement en mesure de ME faire prendre conscience de choses que mon quotidien ou mes habitudes aveuglent.
De même, il me semble très justifié de rappeler que les vérités d’hier ou d’aujourd’hui ne préfigurent en rien celles de demain. Cela, l’Histoire ne manque jamais de nous le rappeler.
Au sujet du nombre d’Ising (notez les fautes d’orthographe mises en gras et que vous saurez corriger) :
- Philippe Cichon a écrit:
- Très peu pris en compte par les facteurs actuels français mais bien plus par les facteurs américains, australiens et même japonnais. Ce qui peut expliquer une partie du peu de leurs résultats dans les appels d'offres internationaux pour la construction d'orgues neufs.
ou plus loin
- Philippe Cichon a écrit:
- Il existe aussi de nombreux articles de scientifiques étrangers qui sont très avance par rapport aux collaborations timides de nos facteurs professionnels avec nos laboratoires nationaux.
Pour aller dans le sens de Dominique Richaud (et de bien d’autres facteurs qui, sur ce point focal, ne me démentiront pas je crois), je voudrais développer un peu le sujet.
Prenons un tableau d’un grand peintre italien dont il est acquis que c’est un chef d’œuvre : la
Vierge au rocher de Léonard de Vinci. Léonard a-t-il eu besoin de connaître les composantes moléculaires ou atomiques de ses pigments pour arriver au sommet de son Art ? Ses tableaux auraient-ils été pourvus d’une charge émotionnelle plus forte que ce qu’ils sont déjà si cela avait été le cas ? Non, évidemment, tout cela n’a strictement rien à voir. L’Art, en soi, n’a besoin que de très peu pour sourdre, et c’est, selon moi, une épouvantable erreur du XIX
e siècle, avec sa sempiternelle obsession de «
Progrès », qui nous le laisse penser encore aujourd’hui. Je l’ai écrit ailleurs : il ne me semble pas que l’on puisse imaginer de
progrès en Art. On peut comprendre le fonctionnement du boson de Higgs de nos flûtes d’orgues ; je ne suis pas convaincu que notre Art en sera magnifié parce que je reste persuadé, et depuis longtemps, qu’il n’y a de magnificence d’un Art (et non de progrès) que dans la mesure où il y a du «
désir ». Et celui-ci, en 2016, est très loin d’être à son zénith en matière d’orgue à tuyaux, particulièrement liturgique. Cela n’a rien à voir avec la technique ; c’est juste inhérent à l’humain et à la prétendue abondance d’une société de consommation qui, en fait, est vide de sens. Dans cette optique, suggérer que ce qui se fait ailleurs est forcément plus intéressant que ce qui ce fait chez nous, en prenant pour étaiement du propos qu’ailleurs, c’est nettement plus «
techno » me semble pouvoir assez aisément être contredit. Je connais personnellement peu l’«
ailleurs » ; mais ce que j’en connais m’a rarement fait saliver, précisément parce qu’à part la technique, souvent tartinée avec la démesure dont les anglo-saxons sont si familiers, j’entrevois peu le
désir humain et son inévitable réponse artistique.
De plus, il est des recherches (ou
techno-logiques, ce qui est un peu différent) qui me semblent plus relever du fantasme des ... techniciens que de la vitalité des Artistes… Vous évoquez par exemple Fletcher (dont je ne réfute pas, notez le bien, les travaux) cherchant à conserver le timbre sur l’ensemble d’un jeu au moyen du (terrifiant) nombre d’Ising. Mais est-ce là vraiment intéressant que d’avoir une égalité de timbre «
parfaite » sur la totalité d’un jeu ? Les anciens détestaient cela (et moi avec) ! Réalisez-vous à quel point cette prétendue «
égalité » (que l’oscilloscope valide) peut être jugée «
riquiqui » dans les dessus d’un principal ? Comment peut-on imaginer «
beau » ce qui n’est
que «
scientifique » ? Rien n’est plus parfaitement ennuyeux à l’oreille qu’une onde parfaitement sinusoïdale, pourtant si esthétique au plaisir des yeux !
À contrario de ce que je viens d’évoquer, j’aime toutefois votre conclusion ; y frise la curiosité de «
l’honnête homme », dans le sens où on l’entendait dans le siècle des Lumières. Dans les faits, elle éclaire finalement le sens réel de votre évocation scientifique : elle n’est pas là pour servir l’Art qui n’en a rien à faire, mais elle est là pour étayer son apprentissage ou son approche. C’est un point essentiel qui me semble nécessaire de toujours souligner.
Donc oui, la strioscopie peut être utile à l’apprenti. En regardant cette image
, il pourra, par exemple, se rendre compte que le vortex passe plus de temps à l’extérieur du tuyau qu’à l’intérieur. En réaction, le dessin de l’onde sonore en sera donc modifié et les scientifiques nous apprendront, peut-être, que celle-ci a de grandes chances d’être de forme carrée. Le tuyau filmé est-il bouché ? C’est possible ; mais ce n’est qu’une intuition de ma part, rien de plus.
De même l’animation
est évidemment extraordinaire pour visualiser une transitoire d’attaque ; la faire entendre dans une gambe (pour commencer parce que c’est plus accessible), puis développer le sujet sur des principaux à natures plus stables poursuit l’éveil de conscience évidemment nécessaire au découvrant.
Mais ne vous y trompez pas : c’est bien l’oreille et le métier qui guideront le geste de l’harmoniste ; pas la machine. La raison en est simple : aussi puissants que soient nos outils d’analyse, ils sont encore très inférieurs à nos capteurs humains et notre cerveau réunis qui réussissent facilement à intégrer un nombre de données infiniment supérieur que le simple positionnement d’un vortex ! Donc dans tous les cas, cela ne rendra pas l’Apprenti meilleur harmoniste. J’entends bien que l’Intellect puisse
ouvrir les oreilles ; il ne faut toutefois jamais perdre de vue qu’il peut aussi les fermer, ou tout au moins les détourner de leur objectif : l’Art. Sans doute est-ce à ce moment-là qu’il faut avoir l’humilité de reconnaître que la technique la plus contemporaine est très loin de réussir à synthétiser ce qu’un Pythagore théorisait déjà… J’entends encore qu’elle n’est pas à jeter avec l’eau du bain ; mais n’oubliez jamais qu’elle n’est qu’un bébé et qu’en conséquence, loin d’être adulte, elle ne sait toujours que balbutier...
Je voudrais enfin revenir sur votre phrase «
Le livre de Dom Bedos […]
reste très flou sur le sujet ». Comment pouvez-vous demander à un texte historique dont la vocation était de permettre une synthèse explicative de la
construction d’un orgue à une époque où ce type d’analyse n’était même pas conceptuellement envisageable de vous fournir une documentation de cet ordre ? Imaginez-vous que l’on
s’étonne, qu’en 1766, il ne soit pas évoqué le calcul des tailles par tableur ou les tenants et aboutissants d’une machine Barker ? Vous tombez, en une phrase, dans un écueil
déjà reproché à d’autres en ce lieu (toujours le même en fait) : vous demandez à un texte du XVIII
e siècle qu’il vous explique le fonctionnement du
confort électrique. Il y a, dans cette attitude, quelque chose de similaire à ce gamin qui n’a jamais su ce qu’est un livre, une sorte d’ingénuité ou de candeur que je trouve finalement déprimante tant elle oublie la place des choses et leur contexte temporel alors que c’est précisément ce qui constitue le ciment de nos fondations contemporaines. Vous soulignez très bien la pauvreté d’hier qu’il faut dépasser. Mais vous gagnerez, il me semble, à l’inscrire dans l’Histoire, en prenant beaucoup plus garde au moindre de vos jugements personnels. Dans le cas contraire, vous retomberez dans l’écueil du XIX
e siècle, celui-là même qui s’imagine si omnipotent qu’il puisse être le seul à posséder la
toute puissance du «
Progrès », inconscient qu’il est de n’être
que le maillon d’une chaîne, forcément bientôt surpassé.
Notez encore que mes
observations ne sont en rien une
condamnation de ma part. Les gens qui, comme vous, prennent le temps de synthétiser, d’agréger et de publier leurs réflexions me semblent plus apporter à la communauté que ceux qui bafouent tout et n’importe quoi d’un revers de main. Je serai, pour ma part, ravi de poursuivre l’ouverture des portes que vos liens proposent pour tenter de faire des expériences de ce style et en publier les résultats. Mais au pesé de nos contingences respectives, vous ne pouvez pas ne pas comprendre simplement à quel point elles relèvent plus aujourd’hui de l’amateur (étymologiquement,
celui qui aime) plutôt que du professionnel auquel la société du XXI
e siècle demande de s’astreindre à autre chose ! C’est évidemment un autre débat que je serai ravi d’ouvrir, tant mes propres choix de vie, en fait, vous rejoignent. Mais cela sera alors un hors sujet (de plus) auquel je ne céderai pas dans ce
fil de forum !