Découverte d'un orgue Willisau AG, canton de Soleure

Récemment, j'ai découvert une rareté en Suisse: un orgue rescapé de la Manufacture Willisau AG, disparue en 1939. Cet orgue (1936), assez imposant, se trouve dans l'église de Mümliswil (canton de Soleure, Suisse). C'est pour moi l'occasion de vous mettre un article de M. François Comment (un spécialiste suisse de l'orgue romantique/symphonique) en lien. Les instruments des facteurs Willisau AG sont devenus très rares et Kuhn (Männedorf, ZU) les restaure au plus près. Je vais retourner "un de ces quatre" pour accéder à la tribune si possible en jouer. Cet orgue de Mümliswil est une curiosité intéressante du patrimoine suisse de l'orgue.

Article de M. Comment: http://www.orgelbau.ch/domains/Orgelbau_ch/data/orgel/orgelBilder/801410_pdf1.pdf (Tribune de l'Orgue, 59/2, 2007).
[[Une rubrique à compléter: http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-2943-11-6-1/ ]].

Ah ben ça y est, je tremble en bavant de partout...
Evidemment, on attend (en France) des batteries d'anches plus fournies qu'une misérable trompette au GO et un basson 16' à la pédale. Mais le reste rachète tout ce qui manque.
Je veux bien en construire un tout neuf comme celui-ci (comment çà pour la maison de la radio ce n'est plus possible?...zut alors)
Une bien belle synthèse germanico-américaine.

Bien sûr, vous avez raison pour le manque d'anches, mais n'oublions pas qu'il s'agit d'un orgue de 1936 d'une manufacture sous influence fortement germanique (Suisse alémanique germanophone) avec seulement 40 jeux. Voyez Kuhn à Schaffhouse (Suisse) à St-Jean (église réformée) en bordure de frontière allemande: grand orgue de 1929 de 59 jeux sur 3 claviers et pédalier; il n'y avait "que": une Trompette au 1er clavier, une Clarinette au clavier II, et un Basson au clavier III alors que la Pédale n'avait qu'une Posaune autonome et des transmissions des anches des claviers. C'est maigre mais c'est ça l'orgue de ces années 30 dans le bassin Suisse alémanique. Actuellement, le mouvement veut que l'on restaure ces instruments au lieu de les oublier pour y mettre, par exemple, un grand et beau Metzler qui claironne à tous les niveaux. Les grands choeurs d'anches, ce n'est évidemment pas à cette époque qu'il faut les chercher chez nous, mais chez vous ! On est d'accord.

Etes-vous l'animateur d'orgues et vitraux ?

Félicitations dans ce cas. Je suis déjà passé sur ce site il y a quelques temps, j'ai été impressionné par la quantité phénoménale d'informations qui y figure !

Schleppy a écrit:

Actuellement, le mouvement veut que l'on restaure ces instruments au lieu de les oublier pour y mettre, par exemple, un grand et beau Metzler qui claironne à tous les niveaux.

Dieu merci !

Voila un article passionnant que je découvre seulement, et un orgue tout a fait interessant que j'aurais aimé pouvoir entendre a l'époque, avec sa console (ancienne version) qui semble sortie d'un vaisseau spacial ! (Pourquoi Khun l'a t'il virée pour mettre une console standart avec 3 malheureuses combinaisons ?) Et surtout ce "Fenwerk" ou tunnel sonore qui conduit les jeux haute-pression jusque dans la coupole de l'église...

Citation :

Situé dans les combles de l'église, à peu près au milieu de la nef, le Fernwerk occupe sa propre chambre d'écho. Il s'agit d'une construction en bois et en plâtre en forme de tunnel traversant la charpente en fer du toit de l'église. Les sommiers chromatiques des deux claviers sont placés longitudinalement, dans deux boîtes expressives adjacentes. Un petit local à l'arrière contient deux régulateurs de pression et les relais électropneumatiques nécessaires. Afin que le moteur reste inaudible et ne transmette pas de vibrations à la voûte, il est installé près de la tour, tout à l'arrière, au-dessus du Grand-Orgue. Entre les jalousies des deux boîtes et la coupole il y a un canal sonore de huit mètres de long dont l'intérieur, qui mesure environ deux mètres sur deux, est entièrement recouvert de bois peint. Derrière la grille par laquelle ce canal s'ouvre dans la coupole, deux autres jalousies sont installées, reliées mécaniquement à celles des deux boîtes. Au Fernwerk, la pression est extrêmement élevée: 150 millimètres de colonne d'eau pour le sommier des jeux de solo (dont le Tuba mirabilis, notamment) et 95 millimètres pour celui des jeux d'accompagnement.

N'empêche que dans la nef, le son reste très doux et très éloigné, même lorsque les deux boîtes sont ouvertes. Les doubles jalousies permettent toutefois de réduire l'intensité jusqu'à un niveau presque imperceptible. L'effet produit par le Fernwerk reste pourtant toujours sensible, qu'il soit utilisé comme clavier d'écho, en contraste avec l'orgue de tribune, ou même réuni à celui-ci, ce qui intensifie de façon inouïe la présence spatiale de la musique jouée. Lorsqu'on accouple par exemple la Voix céleste et la Vox angelica (ondulante elle aussi), la nef entière résonne de ces timbres, sans qu'il soit possible d'identifier l'origine des sons.

Williseau, un facteur éphémère et presque inconnu, était quand même a la pointe de ce qui se faisait aux USA a son époque. Merci pour cet article.

Une question me brûle les lèvres :

comment est-il possible qu'un tel instrument n'est jamais été enregistré

Ça me semble être assez idéal pour Reger, Karg-Elert et consort.

Certainement parce-que ce n'était pas la mode. Toute cette période nous a abreuvé grassement de musiques du 18°, françaises ou germaniques, intégrales de Bach ou de Couperin... Mais nulle part on a vu apparaitre une intégrale Reger, une intégrale Dupré ou Langlais.
Dans le même temps, on a vu fleurir les orgues à ne jouer "que du Bach" "Parce-qu'il-n'y-en-avait-pas-dans-la-région", et les instruments comme Willisau ont été laissés à l'abandon. (comme chez nous, les Michel,Merklin et Kuhn, les Jacquot-Lavergne et autres Beuchet)
Alors maintenant que les oreilles se lassent d'entendre un pauvre bourdon se battre avec dix rangs de mixtures, on redécouvre une autre conception de l'orgue.

Le Fernwerk (littéralement: ensemble de tuyaux placé à distance de la console et du grand orgue) fut, notamment, une spécialité suisse alémanique et allemande du Sud. On compte plusieurs instruments, en Suisse, dotés d'un Fernwerk. Il s'agit d'orgues anciens, romantiques, typiquement de la toute fin du 19ème s. et du premier quart du 20ème. Les manufactures suisses Kuhn et Goll, mais aussi l'éphémère Willisau, en firent des applications remarquables, même pas forcément toujours dans de grandes églises. En Allemagne, Walcker l'appliqua également; tout comme Eisenbarth dans l'énorme instrument de Passau. Les Allemands développèrent (et développent toujours) les orgues en réseau dont l'un des plus remarquables exemples est le Münster de Fribourg-en-Brisgau (4 orgues en réseau sur une console à l'entrée du choeur). Mais il y a aussi la cathédrale de Cologne, Passau justement... Je viens de publier un article approfondi dans L'Orgue, Revue Indépendante sur le cas de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau.
Il y a plusieurs Fernwerk célèbres en Suisse: le fameux Willisau-Kuhn de Ste-Marie de Neudorf (tout près de St-Gall), le nom moins fameux Theodor Kuhn de 50 jeux (1914) restauré en 2002 par Kuhn (avec un Fernwerk de 4 jeux placé derrière le maître-autel). Plus récemment, Füglister, facteur valaisan, a doté son grand orgue de l'église réformée Zwinglikirche de Granges (Grenchen) d'un gros Fernwerk dans le plafond avec même un 32' [voir: www.grenchenref.ch ] ! Et l'orgue américain Fisk de la cathédrale de Lausanne devrait, un jour, recevoir son Fernwerk placé dans la tour de la croisée du transept (soit à près de 70-80 m du grand orgue) [ voir: www.grandesorgues.ch ]. Au temple réformé du Locle, dans mon canton de Neuchâtel, on a même découvert dans le plafond les restes d'un Fernwerk installé par Goll avec son instrument du début du 20ème siècle (orgue disparu maintenant).
Sytématiquement maintenant, la manufacture Kuhn restaure les grands instruments à traction pneumatique de Suisse alémanique. C'est ainsi que d'admirables orgues sont sauvés comme à la grande église réformée de Soleure [voir: www.orgelbau.ch ] ou à la Fridenskirche d'Olten [voir: www.orgelbau.ch ].

Il existe quand même plusieurs intégrales de Max Reger (orgue) : par exemple :
lien . Pour les orgue du Münster de Fribourg-en-Brisgau, voir: lien .

Meilleures salutations .

Merci pour ces précieux renseignements (qui montrent à nouveau le conservatisme de la facture française).