Saison d'orgue de Saint-Eustache - J.B. Monnot et S. Kim

Superbe concert hier soir à Saint-Eustache, dans le cadre de la saison 2010, avec Jean-Baptiste Monnot et Sarah Kim.

Moment magnifique d'aisance souveraine !

Jean-Baptiste ouvrait le feu, vaillant et sûr, par la version syncrétique du "B.A.C.H." de Franz Liszt qu'a réalisé Jean Guillou, en ajoutant à la version initiale pour orgue, les idées neuves que Liszt avait brodées dans sa version ultérieure pour piano. Voyage sonore rauque et puissant, respirant et charpenté d'une manière très claire, prenant possession des profondeurs grasses et rocailleuses de l'orgue ou surgissant en éclairs diaboliques : une vision plus qu'une interprétation...

Sarah Kim, avec un main de Jean-Baptiste (requise par l'œuvre souvent écrite sur 4 portées), nous plongeait dans le foisonnant univers sonore de Jean-Louis Florentz pour une interprétation riche et sauvage, "lancinante et immense" comme le souhaite souvent l'auteur dans ses partitions, de la "Croix du Sud", une de ses dernières œuvres, écrite pour l'inauguration de l'orgue de Saint-Rémy de Reims. Poème symphonique d'un foisonnement stupéfiant, comme une forêt tropicale habitée par des oiseaux mystérieux et du fond de laquelle nous parviennent des appels lointains, d'avant les âges et où la musique coule comme un fleuve souple et fluide de sonorités inouïes !

Le duo s'associait enfin pour donner la transcription des "Danses symphoniques" de Rachmaninov, œuvre ultime du romantisme éternel, moment merveilleux où le jeu des musiciens paraît facile parce que leur ballet enchevêtré était parfaitement réglé (à quatre mains sur la console de la nef), maîtrisé sur la longueur et dans sa structure titanesque... Interprétation juvénile, fraîche, riche en surprises sonores, moins épique (ou héroïque) que la version Guillou/Hékimova, mais tout aussi prenante, comme un roman russe qui nous engloutit dans son histoire mouvante, profuse et dont les personnages sont légion !

Prochains concerts, mardi 26/10/2010 avec Jean-Pierre Leguay et le dimanche 14/11/2010, Jean Guillou et l'orchestre de Padoue.

Merci pour le compte-rendu.
Question plus terre-à-terre: Combien de spectateurs? Et quels étaient les tarifs d'entrée?


(Le genre de réponse qui permet d'organiser des concerts en ayant des bases réelles, même si quelquefois c'est déprimant ou au contraire encourageant...)

Le prix des places est de 18 euros.
Nous avons estimé le nombre de spectateurs à 80 ou 90, ce qui n'est pas mal, mal foncièrement affligeant quand on mesure cela à l'aune du talent des artistes et du travail que ce programme hors norme exige.

Comme beaucoup d'associations, nous avons fait le constat de la baisse massive de la fréquentation de nos concerts par rapports à ceux d'il y a 20 ou 30 ans. Les causes déterminées sont multiples : multiplication exponentielle de l'offre, visibilité amoindrie parce que la diffusion des informations est, elle aussi, bien plus large (trop d'info, tue l'info), nouveaux loisirs individuels à la maison qui font que les gens restent chez eux, crise économique, j'en passe et des pires !...

Nous avons fait le choix, cette année, de multiplier les concerts "exceptionnels" : orgue et danse, orgue et orgue de barbarie, orgue à 4 mains, sur l'exemple de la "Révolte des orgues" à 9 orgues (800 personnes en 2007) : le récital "classique", si ce n'est pas à Notre-Dame, où le touriste afflue de façon automatique, voire moutonnière, n'attire plus les foules (B. Haas, l'an dernier, dans un programme fabuleux et tout à fait accessible -des sonates de tous types, de Bach à Leguay en passant par Liszt et Mendelssohn, joué par coeur du début à la fin- n'a attiré que 40 personnes)...