On connaissait le disque regroupant la Messe de Vierne et une de ses dernière œuvres (la Missa Deo gratias avec percussions et cuivres), recouplées dans un autre enregistrement avec la Sonate III écrite pour l'orgue d'Evreux et la Sonate II. Il y a un autre enregistrement de ses œuvres (notamment d'un ou deux Péan, 'un Madrigal) plus ancien, avec Olivier Latry.
Est paru récemment un disque d'improvisations assez superbe que je découvre actuellement, paru chez IFO, à l'initiative de la revue de Wolfram Adolf.
Leguay est le plus fabuleux coloriste de la tribune de Notre-Dame !
Il possède un véritable langage de compositeur (que beaucoup d'improvisateurs oublient de travailler d'abord), une science de la construction, de l'architecture, sûre, personnelle, reconnaissable, passionnante, pleine de surprises, inattendue.
Je préfère (mais c'est un avis personnel) de très loin, ces improvisations à celles de ses confrères de l'île de la cité (honorables tout autant et pour lesquels je professe un admiration bien légitime).
Leguay ne "colle" aucun discours sur ses improvisations, laisse l'auditeur se les approprier.
On pourrait y voir le reflet de la vie de la cathédrale.
Ce sont surtout de fascinantes promenade au coeur de l'instrument, de ses timbres multiples tellement bien combinés, exploités, opposés, mis en miroir, en contrastes...
Le langage évolue, au gré des plages, d'un post-Cochereau impressionniste, (méditation sur les fonds) à une vraie recherche presque abstraite, très "contemporaine" sur les timbres impaires (final tout en progressions).
On retrouve beaucoup de l'ambiance épineuse, acide, pétulante de la musique écrite de Leguay (les 19 Préludes sont un portail pédagogique assez intéressant).
Les lignes tracés dans l'espace, les blocs d'accords qui se dressent très droit, le contraste des sonorités, les pleins jeux brillants sur des basses très profondes, les oppositions d'anches grasses et de petites mutations, les fluctuations sur les harmoniques impaires, mouvantes et glauques comme des marécages, des abîmes verdâtres, des fusées d'anches en chamade : toutes caractéristiques du langage du compositeur que l'improvisateur exploite comme un laboratoire de recherche inépuisables...
Pourrait-on y "entendre" ce que Leguay, aveugle, "voit" quand il joue ?
En tous cas, une superbe exploitation des possibilités infinies de cet instrument mythique.