L'Orgue Libre
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 Jean Guillou joue Jean Guillou

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hypérion




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MessageSujet: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyLun 24 Mai 2010 - 10:48

L'audition de ce dimanche de Pentecôte, à Saint-Eustache était assurée par l'illustre titulaire du grand orgue, toujours revenu d'ailleurs (les festivités d'anniversaire chez Klais, la semaine de concerts à Vienne avec Zuzanna Ferjencikova) et toujours en partance pour encore ailleurs (à Munich où la "Révolte des orgues" sera donnée à la Philharmonie durant un concert marathonien qui comprendra aussi le "5ème colloque" avec piano, "Prometheus" de Liszt, deux concertos de W.F. Bach et J.S. Bach ! On attend aussi J. Guillou à Madrid dans quelques jours...

Ce dimanche, donc, J. Guillou donnait à entendre, sur un orgue malheureusement rendu très faux par la brusque hausse des températures, sa fabuleuse ballade "Hypérion, ou la rhétorique du feu", hymne gigantesque élevé à la gloire du feu et de toutes ses manifestations dans l'esprit humain et, bien évidemment, dans le monde poétique -œuvre qui entrait donc en une particulière résonance avec le feu de la Pentecôte mais avec cette façon qu'a le compositeur de "composer" avec la dimension religieuse qui environne son instrument (les textes de psaumes plaqués en décalage du rituel latin de la "Missa interrupta", la "Judith symphonie" bien plus âpre et attirée par le crime que par la rédemption...)...

"Hypérion" a longtemps été la seule oeuvre de J. Guillou disponible sur disque chez DORIAN, dans l'enregistrement effectué après l'inauguration de l'instrument -moment qui vit J. Chirac et Mgr Lustiger assister la création de l'œuvre !

Hormis les quelques concerts qui furent diffusés par France Musique avant la parution des enregistrements "Guillou joue Guillou", auxquels notre ami Antoine a activement participé -notamment une "Dérive des continents" marquée par une improvisation d'une demi heure absolument cinématographique, il a été bien difficile d'entendre les oeuvres de J. Guillou durant les années 1990.

Les disques Philips ont, d'ailleurs, été réédités, il y a quelques jours, par DECCA -on aurait pu y rajouter, notamment, "Chamades", l'"Impromptu" pour pédalier solo, "Pensieri" (merveilleuse méditation, dédiée à Jean Langlais, brumeuse et douce comme un sommeil léger, immense évocation d'un espace sans limite...) et aussi, pourquoi pas, "Instants", que l'auteur n'a jamais joué et qu'une singulière désaffection semble maintenir dans les cartons, et, pourquoi pas, les piquantes "Pièces furtives" (que je vous recommande pour aborder le monde musical de J. Guillou, surtout quand on a du mal à maîtriser les "Scènes d'enfant" !). Il reste beaucoup d'oeuvres à enregistrer -du pain sur la planche- : la "Sonate en trio", jamais jouée par son auteur et dont la seule interprète semble être Yanka Hékimova, l'"Ebauche d'un souffle" pour trompette et orgue, le "Concerto pour violon"...

"Hypérion", donc, dont la puissance dramatique et la force évocatrice sont absolument saisissantes, dont les sidérants déluges sonores soulèvent une sorte de stupeur et propulsent l'auditeur dans des contrées de lui insoupçonnées ! Le public nombreux ne s'y est pas trompé, qui a rappelé trois fois l'auteur-interprète de ses applaudissement chaleureusement nourris.

Le premier mouvement, "Hermès", évoque le feu translatif, agile, messager, porteur de connaissance. Une combinaison sonore fabuleuse associe fonds, petites anches et Cornets, les basses sourdes d'un Basson profond et gras et le récitatif fulgurant des Chamades et des petites mixtures qui font scintiller la voix déclamatoire et tranchante des anches. Tout se bouscule, tout pétille, tout jaillit en allègres fusées rythmiques, en ardentes conjurations, en accusations, en appels définitivement proférés !

Tout à l'opposé, les "Feux du silence" proposent un calme méditation sur l'idée du feu insinuant, latent, placée sous les auspices d'une citation de Paul-Jean Toulet : "Ce cœur pareil au feu couvert". Une phrase merveilleusement souple jouée, au Récit, sur une Voix humaine associée au Carillon III (un ensemble de mutations impaires) et au Bourdon du Positif, semble flotter dans les confins illimités d'un espace poétique chargé de mystère que d'amples colonnes harmoniques, scandées sur les fonds 16' et 8', en d'immenses accords somptueusement dessinés, ponctuent et structurent en un rythme toujours souple et mobile. L'irruption de la Ranquette apporte un surcroît de mystère... S'évanouissant, la mélodie laisse la place à une sorte de choral qui fait chanter le Baryton 8' du pédalier sur un chœur encore plus somptueux de fonds 8'. Pénétrant le cœur de son introspection, ce chant lyrique laisse la place à une palpitation étonnante d'accords trillés, au manuels et au pédalier, qui se perdent dans l'immensité que suggère l'Octavin 2' du Récit, happé par la fermeture des jalousies !

Un long silence précède cette "Phlogistique de l'âme", évocation de cette idée ancienne d'un fluide contenu dans toute matière, fluide assimilé au feu, et que l'auteur transpose dans l'âme humaine -métaphore hautement personnelle ! Ce mouvement, chargé de rendre les soubresauts et les transports de l'âme, multiplie les séquences en un enchaînement qui en accuse les contrastes : doux pépiement de Flûtes de 4', trait sombre au pédalier sur les fonds et le Basson, appel triomphant de Trompette, hésitants mouvements d'accords alternés sur le mélange du Hautbois et de la Voix humaine, réchauffés par le trémolo sur lesquels se développent l'appel de Trompette, métamorphosé sur le Clairon du pédalier en une longue mélopée insinuante. Des lourds passages bouillonnants, sur l'ensemble des fonds, des Cornets, des anches graves propulsent la tension à des degrés que des envolées de crescendo portent à des climax terrifiants, avant de laisser place au retour alterné de chacun des éléments de départ.

Cet enchaînement ininterrompu de séquences se développe au point de porter cette flamme intérieure à une sorte de combustion ultime qui ouvre sur les "Feux de l'exaltation", hymne panthéiste adressé tant à l'IGNIS grec qu'à l'AGNI indien ! La combinaison sonore du premier mouvement se trouve ici chargée de propulser une éclatante toccata pleine d'un feu irrépressible, d'une énergie vitale bouillonnante, sorte de flot de lave sonore, de feu d'artifice délirant ! Au plus haut de l'intensité, l'auteur ménage, par deux fois, d'incroyables replis qui font gronder les fonds du pédalier sur lesquels les doigts font entendre des arpèges immenses qui parcourent les claviers, immenses accords qui sont le lointain écho métamorphosé de ceux du deuxième mouvement ! De décharges électriques en appels conquérants, le furie se déchaîne et s'offre de fantasques transports sur toute l'étendue des claviers : des accords qui semblent se multiplier, martelés brutalement dans toute la force et avec une sorte de violence, font culminer l'œuvre en un fracas gigantesque, libératoire et euphorisant, triomphe absolu de l'ardeur !

L'oeuvre est disponible sur disque chez DORIAN et chez DECCA. La partition est éditée chez WAYNE LEUPOLD. Même si les difficultés techniques ne sont pas ménagées à l'interprète, la lecture de la partition n'est pas un exercice inutile pour bien saisir la construction de l'oeuvre, solidement charpentées et pleine d'invention, de surprises et "d'effets" inattendus.

"Hypérion" est une des portes d'accès les plus évidentes, abordables, et peut-être la plus somptueuse -avec, à mon sens, la "Chapelle des abîmes"- au monde sonore et poétique de Jean Guillou.

Bien à vous.
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DGW

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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyLun 24 Mai 2010 - 18:54

Merci pour cette belle analyse qui me fait découvrir l'univers de Guillou.
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Julien Girard
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Julien Girard


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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyLun 24 Mai 2010 - 19:34

T'étais là Hyperion ???

Parce que je me suis demandé... j'étais en bas avec des amis.
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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyLun 24 Mai 2010 - 19:35

Of course !
A la tribune, côté do dièse...
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Julien Girard
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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyLun 24 Mai 2010 - 19:42

J'ai du t'apercevoir alors, mais d'en bas...
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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyLun 24 Mai 2010 - 22:19

Et alors, t'es tu enflammé pour "Hypérion" ?
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Pat17

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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyMar 25 Mai 2010 - 9:55

DGW a écrit:
Merci pour cette belle analyse qui me fait découvrir l'univers de Guillou.

Même chose ! Il faudrait que je puisse écouter une de ses oeuvre pour me faire une idée... Car cette belle analyse me donne une envie subite de me pencher sur son travail ! Jean Guillou joue Jean Guillou Icon_biggrin
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Julien Girard
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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyMar 25 Mai 2010 - 13:38

Je connais bien Hypérion et je l'ai entendu plusieurs en concert, même une fois de la console. J'aime beaucoup certains passages (traits de pédale avec les accords arpégés par exemple).
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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptyJeu 27 Mai 2010 - 10:55

Voulant aller un peu plus loin dans cette direction (encore merci à Hypérion pour son compte rendu plein de passion), j'ai recherché partout ce disque, qui bénéficie d'un programme relativement éclectique :


Jean Guillou joue Jean Guillou 51MV60HQN5L._SL500_AA300_

Mais il semble épuisé partout... Du coup, j'ai pris celui là, entièrement consacré à Guillou... qui joue Guillou :

Jean Guillou joue Jean Guillou 41Bckj-KbzL._SL500_AA300_

Première impressions dans quelques jours, le temps que je le reçoive sur mon tas de sable. Jean Guillou joue Jean Guillou Icon_biggrin
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hypérion




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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptySam 29 Mai 2010 - 11:08

Effectivement, DECCA vient de ressortir en un coffret les sept disques enregistrés par PHILIPS entre 1995 et 1998 qui contiennent une bonne part des œuvres du Maître, jouées par lui à Saint-Eustache (avec Antoine Piétrini dans les parages proches de la console).

Je trouve que la prise de son d'une bonne partie de ces disques est trop proche de l'orgue et le fait sonner comme un orgue d'auditorium, ce qui peut être un parti pris tout à fait justifiable (et en concordance avec la pensée du compositeur) mais qui nous prive de la résonance et du sentiment spatial si particulier de l'église, qui diffuse le son mais ne le noie pas dans un roulement de tonnerre.

De ce point de vue, l'enregistrement DORIAN, quoique un peu lointain, est absolument somptueux, lumineux, large et aéré (l'intégrale Franck, est, de ce point de vue aussi, superbe). Je préfère "Hypérion" dans cette version, qui doit être disponible sur Ebay ou quelques sites de ce genre (on m'y a trouvé le disque consacré à Reubke).

Pour autant, ne vous privez pas du coffret DECCA, il recèle des merveilles : la "Suite pour Rameau", piquante et pleine d'esprit -avec une réalisation du devoir d'harmonie du "Neveu de Rameau"-, la "Fantaisie concertante" avec violoncelle, "Témora" ou "Säya", merveilles de puissance tellurique ou de poésie ailée, et bien sûr, "Alice au pays de l'orgue" si intelligente et didactique !
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Pat17

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MessageSujet: Re: Jean Guillou joue Jean Guillou   Jean Guillou joue Jean Guillou EmptySam 29 Mai 2010 - 20:29

Merci pour cette analyse, Hypérion ! Cool

e-bay en ce qui me concerne n'est pas vraiment une solution malheureusement : aucun vendeur n'acceptera de l'envoyer chez moi... et de toute façon je n'aime pas trop les produits d'occasion. J'attends de toute façon le coffret Decca, expédié en fin de semaine dernière... Smile
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