Nous fêtons le centenaire du plus charmant feu follet musical du XXème siècle...
Ce cher Jehan Alain que beaucoup ont découvert grâce aux deux disques enregistrés par sa petite sœur à Belfort...
On l'entendra beaucoup ce week-end à Saint-Germain-en-Laye, avec colloque et concerts d'orgue et d'orchestre...
On l'entend aussi beaucoup à Saint-Eustache où Vincent Crosnier met le paquet et nous prépare une intégrale en concert sur plusieurs dimanches.
Les "Litanies" cachent le bosquet des petites pièces... "Petite pièce", "Climat", les deux "Préludes"... Il y a ces recherches tout à fait abouties que sont les deux "Fantasies", l'"Intermezzo"... Il y a aussi ce poétique "Aria"...
Plusieurs veines se partagent la production éphémère de notre ami : la stridente, l'âpre, qui hérisse l'oreille, qu'on retrouve dans le deuxième "Prélude", l'"Intermezzo", justement, le "Scherzo" de la "Suite"... On sent la rage du jeune homme qui combat son destin, une violence contenue, une envie de ruer dans les brancards de tous ordres...
Cet épanchement libératoire trouvera sa pleine expression dans les claquements d'armes à feu de la troisième des "Danses", dans les déhanchements rythmiques du "Scherzo" ou de "Joies"...
Et cette expression d'un temps suspendu, d'un espace détaché, délié, ténu, quelle plus belle façon de la trouver dans l'"Andante" transcrit du piano, le minuscule "Choral cistercien", ou ce merveilleux "Postlude pour l'office de complies" où, sur une sorte de bourdonnement pareil à un sommeil léger viennent émerger du trouble de l'assoupissement des bribes de chant grégorien, comme si un paroissien s'était endormi et, au travers de son sommeil léger, il percevait les échos de l'office nocturne...
Jehan est une figure éminemment émouvante. Son destin tragique nous porte à la compassion. Il ne faut pas s'épancher mais plutôt se tenir à l'écoute, se laisser toucher, comme si un ami venait vous prendre par l'épaule, vous ouvrait son monde intérieur, vous invitait à découvrir son jardin (suspendu), ses merveilles, les derniers aménagements, ses plus belles plantations... La poésie de ce jardin explose à nos yeux et envahit notre réceptivité. On sait que ce jardinier merveilleux combat la bêtise et la stupidité, sait que les forces obscures auront raison de lui, sait qu'au delà de la clôture, la bête immonde l'engloutira : il se bat, il fera feu de tout bois pour préserver son îlot de quiétude.
Aidons-le et soyons à l'écoute de ce merveilleux quotidien, souple et délicat, fort, acharné et indestructible !